Nombres Particuliers

I. Nombres de Mersenne
II. Nombres de Fermat
III. Nombres pseudo-premiers
IV. Nombres de Carmichael
V. Nombres Parfaits

Le but de cet article est de présenter certaines familles de nombres particuliers, utilisées en arithmétique. Néanmoins les nombres premiers, en raison de leur importance, sont traités dans un article à part.


I. Nombres de Mersenne

- Définition

On appelle nombre de Mersenne tout nombre de la forme 2p - 1, avec p premier.

Ces nombres sont notés sous la forme Mp = 2 p - 1.

- Propriétés

Ces nombres ont été introduits lors des recherches pour trouver des nombres premiers au XVIIème siècle. C'est notamment le père Mersenne qui fit la liste des nombres premiers de la forme 2n - 1, jusqu'à n = 257 ( il y avait en fait quelques erreurs, mais on ne s'en est aperçu plus de deux siècles plus tard (1886) ).

Le fait que l'on se soit intéressé à ces nombres provient de la proposition suivante :

Proposition I.1

Soit a un entier naturel.

Soit n un entier strictement supérieur à 1.

On a alors :

an - 1 premier ( a = 2 et n est premier )

Voir démonstration

Remarques

- La réciproque de cette proposition est fausse (malheureusement...)

En effet 211 - 1 = 2047 = 23.89

En se référant à M. Guinot ([GUI 2] p.45 ), qui se réfère lui-même à Paulo Ribenboim ([RIB] p.78), il semble que jusqu'en 1991, on ne connaisse que 31 nombres de Mersenne premiers; ce sont ceux correspondants aux valeurs suivantes de p :

2, 3, 5, 7, 13, 17, 19, 31, 61, 89, 107, 127, 521, 607, 1279, 2203, 2281, 3217, 4253, 4423, 9689, 9941, 11213, 19937, 21701, 23209, 44497, 86243, 110503, 132049, 216091.

Il est à noter que la fin de cette liste est peu fiable, certains de ces nombres ayant été découverts que fort récemment ( en 1988 pour M110503 ), et dans le désordre. Pour ceux qui s'intéressent aux nombres premiers, il faut aussi signaler que M216091 était le plus grand nombre premier connu jusqu'à la fin des années 80. Il semble qu'on ait encore quelques progrès depuis, puisque X.Gourdon cite ([GOU 1] p.11 ), le cas de M756839 comme le plus grand des nombres premiers connus en 1992. Cela ne fait que confirmer l'importance qu'il faut accorder à ces nombres.

-D'autre part, il faut noter qu'il n'existe actuellement aucun théorème permettant de dire s'ils sont en nombre finis ou pas, ni s'il y en a d'autres.

Nous venons de voir l'importance de déterminer si un nombre de Mersenne est premier ou pas. A cette fin, la proposition suivante va nous permettre de déterminer des diviseurs possibles des nombres de Mersenne (et donc réduire le nombre de tests lors d'éventuelles recherches).

Proposition I.2

Soit p un nombre premier.

On a alors

Les diviseurs de Mp sont de la forme 2.k.p + 1, avec k N.

Voir démonstration

La proposition précédente, si elle permet d'éliminer un bon nombre de candidats potentiels, oblige quand même à faire de nombreux tests lorsque p devient grand. Nous allons donc maintenant voir un critère de factorisabilité des nombres de Mersenne, qui permettra alors d'éliminer directement, et surtout plus facilement, certains d'entre eux.

Proposition I.3

Soit p un nombre premier.

Si p est de la forme 4.k + 3 ( avec k N* ) et si 2.p + 1 est premier,

alors Mp n'est pas premier.

Voir démonstration

L'emploi des nombres de Mersenne ne sert pas uniquement dans l'étude des nombres premiers; nous verrons en effet qu'ils sont de grande utilité pour déterminer les nombres parfaits (Chapitre III).

Signalons aussi que Lucas en 1876 a établi un test de primalité des nombres de Mersenne :

Soit la suite définie comme suit :

Y0 = 2

n N, Yn+1 = 2.(Yn)² - 1

Pour n 3, on a alors

2n - 1 est premier (2n - 1) | Yn-2

Voir démonstration

II. Nombres de Fermat

- Définition

On appelle nombre de Fermat tout nombre de la forme 22n + 1, avec n entier naturel.

Ces nombres sont notés Fn = 22n + 1.

Il faut remarquer que ces nombres deviennent rapidement très grands.

En effet, comme nous le verrons plus loin, F5 vaut déjà 4 294 967 297 et un calcul de la longueur de quelques autres nombres de Fermat nous donne :

F10 : 309 chiffres

F20 : 315653 chiffres

F50 : plus de 3.1014 chiffres

F100 : plus de 3.1029 chiffres

Ouvrir l'article sur la longueur des nombres.

Ceci permet certainement de mieux comprendre pourquoi il est si difficile d'étudier de tels nombres.

- Propriétés

Historiquement, c'est Fermat qui a introduit ces nombres en conjecturant qu'ils étaient tous premiers ( Lettre à Frénicle en 1640 ) . C'est en effet le cas pour F0, F1, F2, F3 et F4, mais en 1734 Euler, en réponse à Goldbach, montra que F5 était divisible par 641 ( en effet F5 = 232 + 1 = 4 294 967 297 = 641.6700417 ), en utilisant une méthode découlant de la proposition II.3.

L'intérêt porté à ces nombres s'explique par la proposition suivante :

Proposition II.1

Soit n un entier naturel non nul.

On a alors :

Si 2n + 1 est premier alors n est une puissance de 2.
C'est donc un nombre de Fermat.

Voir démonstration

Un autre résultat permet aussi de renforcer l'importance accordée à ces nombres :

Proposition II.2

Soient n et m deux entiers naturels différents.

On a alors

Fn et Fm sont premiers entre eux.

Voir démonstration

Remarques

- Ce résultat permet de démontrer qu'il existe une infinité de nombres premiers

Voir démonstration

>- Malgré la puissance de ce résultat, on n'est pas assuré qu'il existe une infinité de nombres de Fermat premier. Les seuls connus de nos jours sont ceux connus du temps de Fermat, c'est-à-dire F0, F1, F2, F3 et F4 mais rien ne nous permet de dire s'il y en a d'autres !

Nous allons maintenant énoncer une proposition qui permettra de déterminer la forme des éventuels diviseurs premiers d'un nombre de Fermat.

Proposition II.3

Soient n et q deux entiers naturels.

Si q est un diviseur premier de Fn, alors q est de la forme 2n+1.k + 1.

Voir démonstration

Remarque

- C'est ce procédé qui a permis à Gauss de trouver un diviseur de F5.

Il existe aussi un critère général de primalité des nombres de Fermat, mais qui n'est pas forcément facile à mettre en œuvre. En voici l'énoncé :

Proposition II.4

Soit n un entier naturel non nul.

On a alors

Fn est premier

Voir démonstration

Remarque

- Ce test ne marche évidemment pas pour n = 0.

III. Nombres pseudo-premiers

IV. Nombres de Carmichael

V. Nombres Parfaits

- Préambule

Une des notions les plus utilisées dans ce chapitre est celle du calcul de la somme des diviseurs d'un entier naturel donné. Nous vous encourageons donc à consulter l'article correspondant avant de lire la suite car de nombreuses démonstrations utilisent ses résultats.

Du fait que, pour tout couple (a,b) d'entiers relatifs, si a | b alors -a | b, on ne s'intéressera ici qu'aux diviseurs positifs, car sinon la somme serait évidemment nulle et il n'y aurait pas d'intérêt à l'étudier. De même, la somme des diviseurs ( positifs ) n'a de sens que si leur nombre est fini, donc si l'entier est non nul ( Voir cours sur la divisibilité ).

- Définition

Soit n un entier naturel.

On dit que n est un nombre parfait ssi la somme de ses diviseurs vaut 2.n.

Soit 2.n =

Cette définition peut sembler bizarre, mais elle correspond en fait à la définition plus naturelle suivante :

Soit n un entier naturel

On dit que n est un nombre parfait ssi la somme de ses diviseurs stricts vaut n.

On comprend alors mieux pourquoi, dès l'antiquité grecque, ces nombres étaient dits parfaits. L'étude des premiers entiers montre que 6 et 28 sont les deux plus petits nombres parfaits.

- Propriétés

L'étude des nombres parfaits se ramène à chercher une caractérisation de ceux-ci, ou du moins un moyen d'en trouver facilement.

En fait on trouve déjà dans les Eléments d'Euclide, la proposition suivante :

Proposition V.1

Soit a un entier naturel.

Si a s'écrit sous la forme 2n.(2n+1 - 1) et si 2n+1 - 1 est premier,

alors a est parfait.

Voir démonstration

Remarque

- C'est la proposition 36 du Livre IX des Eléments.

On s'aperçoit ainsi que 6 = 21.(21+1 - 1) et 28 = 22.(22+1 - 1) car 3 et 7 sont premiers.

Ils peuvent donc être retrouvés grâce à cette méthode; en fait les seuls nombres parfaits que nous connaissons sont sous la forme 2n.(2n+1 - 1) avec 2n+1 - 1 premier. Ce résultat, étonnant au premier abord, vient du résultat suivant, qui est une " recherche de la réciproque ".

Proposition V.2

Soit a un nombre parfait.

Si a est pair, alors a est de la forme 2n.(2n+1 - 1) avec 2n+1 - 1 premier.

Voir démonstration

Remarque

- Actuellement, on ne sait toujours pas s'il existe ou non un nombre parfait impair. Il semble ( d'après [GUI 2] p.43 qui cite [RIB] p.82 ) qu'on soit seulement sûr qu'il n'y en ait aucun inférieur à 10150.

- Les dérivés des nombres parfaits

Nombres " presque parfaits "

Soit n un entier naturel.

On dit que n est un nombre " presque parfait " si la somme de ses diviseurs vaut 2.n -1.

Soit 2.n-1 =

Proposition V.3

Toute puissance de 2 est un nombre presque parfait

Voir démonstration

Malheureusement, en de hors de ce cas simple, on ne sait pas s'il en existe d'autres.

Nombres " quasi parfaits "

Soit n un entier naturel.

On dit que n est un nombre " quasi parfait " si la somme de ses diviseurs vaut 2.n+1.

Soit 2.n+1 =

Là encore, on ne sait même pas s'il existe un nombre quasi parfait.

Nombres " multiplement parfaits "

Soit n un entier naturel.

Soit k un entier naturel strictement supérieur à 2.

On dit que n est multiplement parfait d'ordre k si la somme de ses diviseurs vaut k.n.

Soit k.n =

Remarque

- On prend k 3, car les cas 0 et 1 sont impossibles car tout entier n est divisible au moins par lui-même et 1 ( si n 1, le cas n = 1 ne posant pas de problème ). Le cas k = 2 correspond bien sûr aux nombres parfaits.

Pour ces nombres des résultats existent au cas par cas mais on ne sait pas s'il existe une solution pour toute valeur de k supérieure ou égale à 3.

Selon M. Guinot ([GUI 2] p.43 et 44) qui cite Richard Guy ([GUY] p.27, 28 et 29) et André Weil ([WEI] p.54), il existerait notamment des solutions pour des valeurs de k telles que 6 et 8.

Ainsi Frénicle, par l'intermédiaire de Mersenne, en propose un à Fermat pour k = 6. C'est le nombre suivant :

n = 236.38.55.77.11.132.19.312.43.61.83.223.331.379.601.757.1201.7019.112 303. 898 423.616 318 177

On vous laisse évidemment vérifier...

Pour k = 8, il existerait 5 exemples mais le plus simple aurait 41 diviseurs premiers différents (dont certains dépassent le milliard).



Première version : 15 juillet 1996
Auteur : Pascal Audoux
Relecteurs : Sources :
[FRG] Exercices de mathématiques pour l'agrégation, Algèbre 1 de S. Francinou et H. Gianella ( éd. Masson )

[GOU 1] Les maths en tête, Algèbre de Xavier Gourdon ( éd. Ellipses )

[GUI 2] Les " Resveries " de Fermat de Marc Guinot ( Aléas Editeur )

[GUY] Unsolved Problems in Number Theory de Richard Guy ( éd. Springer Verlag )

[RIB] The Book of Prime Number Records de Paulo Ribenboim ( éd. Springer Verlag )

[WEI] Number Theory, An approach through history, From Hammurapi to Legendre d'André Weil ( éd. Birkhäuser )