I. Introduction
Le théorème de Fermat-Wiles est une
aventure qui a commencé en 1641. Il a inspiré des
générations de mathématiciens pendant 353
années. Tout commence avec une note de Pierre de Fermat
en marge d'une page de l'Arithmétique de Diophante :
" Il n'est pas possible de partager un cube, en deux
cubes, une puissance quatrième en deux puissances quatrièmes
et en général une puissance d'exposant supérieur
au deuxième en puissances de même exposant. J'en
ai découvert une démonstration merveilleuse. L'étroitesse
de la marge ne la contient pas. " en langage mathématique
moderne, cela devient: n N\{0, 1, 2} , (a, b, c) (N*)3,
an + bn = cn. Cette note, rédigée
avec beaucoup de mystère, apparaît comme un défi
pour les mathématiciens professionnels et amateurs et a
fait la célébrité de la conjecture devenue
aujourd'hui un vrai théorème." Est-ce
que Fermat a réellement démontré le théorème
? " est certainement la question que les amateurs se
posent. Cela restera sûrement un mystère. Cependant
il est certain qu'il a démontré le théorème
pour des exposants simples comme n = 4, avec une méthode
forte intéressante qu'il a lui même nommée
" descente infinie " en 1659.
II. La descente infinie
Le principe de ce raisonnement est original. En effet, il s'agit d'un mélange de raisonnement par récurrence sur les entiers naturels et par l'absurde. Illustrons cette méthode avec la démonstration du théorème dans le cas particulier où n = 4. Pour cette démonstration, nous allons d'abord montrer un lemme très connu à l'époque de Fermat, sur les triplets Pythagoriciens :
Soient x, y et z (N*), premiers entre eux deux à deux . Alors x² + y² = z² (n, m)(N*)² premiers entre eux tels que :
x = 2.n.m,
y = n² - m²,
z = n² + m².
Démonstration
Premier sens : supposons avoir x² + y² = z².
On remarque tout d'abord que x et y ne sont pas pairs tous les deux, car PGCD(x, y) = 1.Si x et y étaient tous les deux impairs, alors (p, q) (N*)²,x = 2.p+1, y = 2.q+1,
donc x² = 4.p² + 4.p + 1 = 2.(2.p² + 2.p) + 1 et y² = 2.(2.q² + 2.q) + 1,
x² et y² seraient alors tous deux impairs. Ainsi, x² + y² serait seulement
divisible par 2 mais pas par 4. x² + y² ne serait donc pas un carré.
L'énoncé du lemme ne peut être vrai que si x et y sont de parités différentes.
supposons que x soit pair et y impair; il est nécessaire que z soit impair.
Ainsi : (u, v, w) (N*)3, x = 2.u, y + z = 2.v et z - y = 2.w
u, v et w sont premiers entre eux puisque x, y et z le sont.
x² = z² - y² = (z + y).(z - y) = 4.v.w donc u² = v.w
Le produit v.w est alors un carré. Or PGCD (v, w) = 1, nécessairement, v et w sont
eux même des carrés.
Donc :
(n, m) (N*)², PGCD(n, m) = 1, tels que v = n² et w = m².
Ainsi x² = 4.v.w = (2.n.m)² , donc x = 2.n.m ,y = v - w = n² - m² et z = v + w = n² + m².
CQFD.
Nous pouvons maintenant passer à la démonstration.
Soit (x, y, z) (N*)3 tel que x4 + y4 = z².
Quitte à diviser par leur PGCD, supposons que x, y et z soient premiers entre
eux deux à deux.
D'après le lemme, (n, m) (N*)² tel que :
PGCD(n, m) = 1 et x² = 2.n.m, y² = n² - m², z = n² + m².
D'après le lemme, y² est impair donc m est pair et n impair.
or x² = 2.n.m et PGCD(2.m, n) = 1, on a donc : (s, t) (N*)² et PGCD(s, t) = 1
tels que 2.m = (2.s)² et n = t².
Ainsi t4 = y² + (2.s²)², 2.s² est pair. D'après le lemme on a:
(p, q) (N*)² et PGCD(p, q) = 1 tels que s² = p.q, donc (p', q') (N*)² tels que
p = p'² et q = q'². Donc on a nécessairement PGCD(p', q') = 1 et toujours d'après
les résultats du lemme, on a t² = p² + q² = p'4 + q'4.
Ainsi on obtient la nouvelle relation t² = p'4 + q'4. Il est claire que t, p' et q' sont
premiers entre eux deux à deux et (p' < x, q' < y et t < z).
On obtient alors un nouveau triplet d'entiers non nul strictement inférieurs
au triplet (x, y, z), vérifiant la même équation. On peut ainsi refaire les même
raisonnements et trouver un autre triplets d'entiers strictement inférieurs aux
précédents. On pourrait faire infiniment les même raisonnements mais c'est
impossible car les entiers naturels sont minorés par 0.
On peut conclure que le triplet (x, y, z) n'existe pas.
CQFD.
Il existe d'autres démonstrations pour d'autres puissances mais elles sont plus
difficiles mais utilisent aussi la descente infinie.
III. Les successeurs de Fermat
Pendent environ deux siècles après Fermat, les mathématiciens comme Euler ont fait d'autres tentatives pour des exposants individuels qui reposent sur la même méthode. Mais c'est avec les travaux de Kummer au XIX siècle que l'on commence à obtenir des résultats significatifs. En effet Kummer a réussi la démonstration pour une catégorie de nombre premiers: les nombres premiers réguliers. Donnons quelques définitions. . Les nombres de Bernoulli: ce sont les coefficients du développement en série
entière de .
. Les nombres premiers réguliers : soit p un nombre premier strictement supérieur
à 2, p est un nombre premier régulier s'il ne divise aucun des numérateurs des
nombres de Bernoulli pour p - 3 < 2.n -1 sinon p est dit irrégulier.
Enonçons maintenant le théorème démontré par Kummer:
Soit p un nombre premier régulier alors le théorème de Fermat est vrai pour
l'exposant p, on a de plus (x, y, z) (N* )3, xp + yp = zp alors x.y.z = 0.
Aussi est-il nécessaire de calculer les nombres de Bernoulli pour démontrer le
théorème de Fermat concernant les nombres premiers réguliers.
On peut les calculer par récurrence (voir article sur ces nombres) :
Pour les nombres premiers irréguliers, la démonstration existe mais est plus compliquée
en particulier elle utilise la conjecture de Vandiver, une conjecture sur les corps
cyclotomiques qui sont les ensembles formés à partir du corps des rationnels par
l'adjonction d'une racine primitive de l'unité.
Il faut savoir que la démonstration de la conjecture demande des calculs longs
même pour des machines performantes. On estime à une dizaine d'années de calcul
sur une machine moderne, en pratique on fait fonctionner un centaine de machines
simultanément pour réduire ce temps à quelques mois. Il est donc impensable de
chercher un contre-exemple explicite du théorème de Fermat!
IV. Conclusion
Pour un théorème tel que celui de Fermat, qui a résisté à tant de spécialistes,
il existe naturellement plusieurs voies de recherche intéressantes. Mais on peut dire
qu'il en existe quatre principales.
. La première méthode est celle qui a été exposée dans cet article.
Le raisonnement se fait avec l'arithmétique dans Z, les résultats obtenus
concernent généralement des exposants individuels comme les cas n=3, 4, 5..
mais il faut comprendre que la descente infinie joue ici un rôle important.
. La deuxième méthode utilise les formes quadratiques binaires à coefficients
entier. Les mathématiciens s'intéressaient particulièrement à des formes du
type x² + (-1)(p+1)/2 .p.y² et raisonnaient sur les entiers représentables sous cette
forme. Par exemple, si p = 3 on considère alors la forme quadratique x² + 3y².
Cette méthode impose l'utilisation du groupe orthogonal. Mais ici on utilise encore
la descente infinie .
. La troisième méthode que nous ne détaillons pas est l'utilisation des corps
cyclotomiques. Cette nouvelle méthode est l'oeuvre d'Euler vers la fin de sa vie.
Et enfin c'est à partir de 1969 que l'on a eu l'idée d'associer les solutions non
triviale de l'équation ap + bp + cp = 0 ou (a, b, c) (N*)3 premiers entre eux deux
à deux et p N, à des cubiques affines E : y² = x.(x + a.p ).(x + b.p).